Le discours de Joseph Kabila ancien président a récemment suscité de nombreuses réactions en République Démocratique du Congo (RDC) et au sein de la diaspora congolaise. Beaucoup lui ont reproché d’être le « véritable patron du M23 », d’être passé par Goma (considérée comme le fief du M23 soutenu par le Rwanda), et de n’avoir pas critiqué le Rwanda dans son allocution. Patrick Mbeko, auteur de plusieurs ouvrages sur les conflits en Afrique, offre une perspective différente sur ces observations, qu’il conteste fermement.
M. Mbeko insiste sur son objectivité et son impartialité, affirmant n’avoir aucun conflit d’intérêt avec Joseph Kabila, le M23, le Rwanda, ni même Félix Tshisekedi. Il souligne que la plupart des analystes congolais actuels sont souvent en conflit d’intérêt, ce qui entrave leur capacité à être objectifs et impartiaux dans le traitement des événements en RDC.
Selon Patrick Mbeko, beaucoup n’ont pas bien compris la portée du discours de Joseph Kabila. Il s’agit d’un discours prononcé après une période de silence, dans un contexte particulier de guerre imposée à la RDC par le Rwanda via ses supplétifs du M23.
Sur Comprendre le Discours de Joseph Kabila
Les points clés pour comprendre le discours de Joseph Kabila, selon Mbeko
- Une Alternative à Tshisekedi : Joseph Kabila cherche à se présenter comme l’homme de la situation, une alternative crédible face à un Félix Tshisekedi qui, selon Mbeko, a perdu toute crédibilité et a des difficultés à diriger le pays.
- Résonance Régionale et Internationale : Bien que son discours s’adresse aux Congolais, Kabila est parfaitement conscient de sa résonance sur le plan régional et international. La plupart des pays africains, notamment ceux de la région des Grands Lacs, suivent de près la situation au Congo, car une déflagration aurait des répercussions terribles sur toute la région et une bonne partie du continent.
- Discours d’Homme d’État : Le discours de Kabila est perçu comme un discours rassembleur et structuré, teinté d’une certaine démagogie, mais demeurant un discours d’homme d’État.
Pourquoi Kabila n’a pas critiqué le Rwanda : Une approche d’homme d’État
Patrick Mbeko explique que Joseph Kabila n’a pas pu s’attaquer ouvertement au Rwanda pour une raison simple : le Rwanda est l’une des parties prenantes dans la crise et, plus important encore, il est en négociation avec la RDC sous l’égide des États-Unis. En tant qu’ancien chef d’État et homme d’État, Kabila sait qu’il ne peut pas critiquer le Rwanda dans un tel contexte. Mbeko cite des exemples de figures politiques internationales comme Donald Trump et Dominique de Villepin, qui ont refusé de tenir des propos discourtois à l’égard de pays avec lesquels des négociations étaient en cours pour résoudre des crises.
Le Retour de Kabila par Goma : Une Faute du Gouvernement Congolais

Quant au reproche fait à Kabila d’être revenu en RDC par Goma, Mbeko affirme que ce n’est pas de sa faute. Le gouvernement congolais lui a retiré ses immunités et a menacé de porter plainte contre lui en l’accusant d’être le « patron du M23 ». Il aurait été « suicidaire » pour Kabila de s’abandonner « dans la gueule du loup » en rentrant par Kinshasa. Mbeko critique le gouvernement congolais pour son manque de clairvoyance et d’intelligence dans la gestion de cette situation, arguant qu’il aurait dû laisser ses immunités à Kabila pour observer son comportement.
Critique des Médias et Politiciens Congolais : Manque d’Objectivité
Patrick Mbeko exprime sa frustration face à la légèreté avec laquelle les choses sont souvent traitées en RDC. Il estime que de nombreux journalistes à Kinshasa sont non objectifs et partiaux, travaillant souvent pour le pouvoir en place ou pour des figures de l’opposition qui les paient. Il critique également certains politiciens qui accusent Kabila de tous les maux.
Mbeko rappelle que Félix Tshisekedi lui-même s’est rapproché de Paul Kagame entre 2019 et fin 2021, période durant laquelle les troupes rwandaises opéraient clandestinement dans l’est du Congo avec la bénédiction de Tshisekedi, menant des opérations militaires conjointes avec l’armée congolaise. Mbeko souligne que Tshisekedi est allé « beaucoup plus loin dans la compromission que Joseph Kabila en 18 ans ». Il rappelle même que Tshisekedi a fait venir Kagame à Kinshasa et a déclaré au Rwanda que les victimes congolaises des massacres étaient des « victimes collatérales ». Mbeko déplore l’amnésie collective et l’hypocrisie de ceux qui, après la rupture entre Kagame et Tshisekedi, présentent soudainement le Rwanda comme l’ennemi abominable.
La Crédibilité de Kabila et l’Échec de Tshisekedi
Selon Mbeko, Joseph Kabila ne revient pas pour prendre une position partisane, mais se présente comme l’homme de la situation, conscient que son positionnement est observé de près par les chefs d’État de la région et les pays occidentaux. Kabila s’engage à discuter avec toutes les parties (opposition, églises, intellectuels, société civile), un rôle qui aurait dû revenir à Félix Tshisekedi.
Mbeko révèle que Joseph Kabila a rencontré de nombreux présidents africains et diplomates, y compris l’ambassadrice des États-Unis en RDC avant de quitter le pays. Pour beaucoup de diplomates et de chefs d’État, Kabila apparaît comme une alternative crédible à Félix Tshisekedi, dont la parole n’a, selon eux, plus beaucoup de poids et n’est plus prise au sérieux aux niveaux régional et international.
En conclusion, Patrick Mbeko estime que la résurgence de Joseph Kabila est en grande partie due à l’échec de Félix Tshisekedi. Il affirme que Tshisekedi a « ressuscité » Kabila d’entre les morts par ses propres défaillances en matière de gouvernance. Mbeko préconise que si Kabila doit être affronté, cela doit se faire sur le terrain diplomatique et de la gouvernance, avec plus de sérieux, plutôt que de s’en tenir aux débats sur ses origines supposées rwandaises.